samedi 2 février 2008

Mon cher ennemi : de haine et de violence



L'écrivain Yang Zhengguang est une figure majeure du « post-racinisme ». Il a su montré le côté négatif des paysans contrairement à A Cheng ou Li Hangyu dont l'intention est d'idéaliser la vie et la morale des ruraux, héros collectifs d'une société agraire et traditionnelle. Le point commun de ses deux approches repose sur une incertitude face aux modes de vie actuelle. Si les écrivains comme A Cheng trouvent leurs soutiens spirituels dans un mode de vie rural condamné à disparaître sous l'effet de la modernisation urbaine et économique, par contre un auteur comme Yang Zhengguang pense qu'une racine destructrice propre au monde paysan serait à l'origine du malaise social de la Chine contemporaine. Mais cette distinction n'est pas exclusive.

Dans son oeuvre, Yang Zhengguang fait l'éloge des brigands, marginalisés et condamnés par la société, qui retrouvent l'énergie physique et spirituelle de l'homme « naturel », être de sensations puisant aux sources du taoïsme, castré par l'idéologie traditionnelle, représentée par le confucianisme, et moderne imposée par le parti communiste.

En ce qui concerne Mon cher ennemi, l'auteur dresse le décor d'une tragicomédie où se mêle l'humour et l'absurde. L'histoire commence par un adultère entre voisins alimentant les jeux de la vengeance et de la surenchére tels que prendre des amants infidèles sur le fait, se battre, pousser à la haine et au meurtre, faire tuer des chiens, exhumer des sépultures et finir par se transformer en arbre. La haine et la violence de Lao Dan, le vengeur perdent tout sens lorsqu'il jure qu'il va prendre racine sur les latrines de son ennemi intime. Cette tournure inattendue que prennent les évènements dévoile une profonde ironie au regard d'une tradition de violence de voisinage dans le monde rural chinois.


Yang Zhengguang n'est pas le premier à traiter ce thème. Dans Le soleil brille sur la rivière Sanggan, roman écrit par Ding Ling en 1949 et L'ouragan par Zhou Libo publié la même année, les auteurs racontaient déjà le déchaînement de la haine dans les campagnes chinoises. Récipiendaires du prix Staline, ces deux écrivains, parmi d'autres, écrirent plusieurs romans sur les changements sociaux et politiques survenus dans la Chine rurale pendant la période. Dans les romans sur la réforme agraire (1947-1952), il était impératif de montrer que les structures dirigeantes dans les villages avaient changées et que le paysage rural avait pris la forme d'un espace culturel – berceau de la nouvelle Chine. Jusqu'à la fin des années 70, de nombreux écrits ont eu pour objet la société rurale chinoise et présentait le village comme la représentation la plus authentique de la Chine socialiste.


Dans ces deux romans, la violence « rouge » et sa politique de la haine prônaient une méthode raisonnée pour résoudre le problème de la répartition des terres et des propriétés foncières. Ainsi, ce type de récit où la violence était perçue de manière positive, existait déjà dans le roman chinois. Cette situation a changé dès les années 80, Han Shaogong dans Pa pa pa décrivit les combats l'arme au poing dans les campagnes, et fut le premier à condamner la violence au travers de son récit. Le thème obscur de la haine est devenu plus tard l'élément central du « post-racinisme ». C'est également un aspect dominant du roman réaliste rural des années 90. Avec talent, Yang Zhengguang a su développer cette narration de la violence à partir de deux domaines : le roman tenant de la « littérature pure » et le cinéma référé à la « littérature populaire ».


Mon cher ennemi de Yang Zhengguang, traduit par Raymond Rocher et Chen Xiangrong, publié aux éditions Bleu de Chine, 2007.

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