mardi 5 février 2008

Calligraphie chinoise: la marque du pouvoir



La mythologie chinoise nous rapporte que Cang Jie, devin de l'Empereur jaune ou Fuxi, premier des trois Augustes aurait inventé les signes d'écriture. Tout au long de l'histoire de l'empire du milieu, l'art de tracer les caractères avec technique et énergie a été confirmé comme une discipline majeur.

Sur le continent chinois, la calligraphie est l'emblème de la classe dirigeante et de l'autorité. Elle marque la permanence de la tradition dans la Chine moderne. L'avènement de la République populaire de Chine a marqué le passage de la calligraphie de la sphère privée à la sphère publique. Dans la Chine classique, les calligraphies impériales étaient l'objet d'une diffusion restreinte. Elles étaient destinées aux collections du Palais ou offertes à certains hauts dignitaires.

Détournée de sa fonction première, la calligraphie est devenue un instrument de propagande à destination des masses de la nouvelle Chine. Le monde politique s'est accaparé l'expression calligraphique enlevant ainsi toute autorité à l'élite des calligraphes. De fait, il en résulte un rapport ambigu et confus entre le noble art et l'écriture ordinaire. Ceci a été facilité par l'abolition des limites entre l'espace privé et l'espace public. Au travers de l'alphabétisation, de nombreux chinois se sont essayés aux plaisirs de la calligraphie agrémentés de reconnaissance sociale et d'appartenance à un milieu culturel reconnu.

Dans les sphères du pouvoir de la Chine moderne, la calligraphie a été adaptée pour transmettre des messages codés à travers les couches politiques. L'un des innovateurs fut Sun Yatsen utilisant des slogans pour mieux préciser son message politique. Ainsi, la calligraphie a contribué à légitimer certains dirigeants politiques, et leur succès a fait des émules. Mao Zedong a effectivement utilisé sa calligraphie si caractéristique pour mettre en valeur ses réalisations et pour magnifier le culte de sa personne en le rendant moins dépendant du Parti. En revanche, son successeur Hua Guofeng s'est ridiculisé en voulant, à l'image de Mao, se construire un culte de la personnalité.

Le rôle traditionnel de la calligraphie est celui d'une échappatoire à un pouvoir restreint. Seul Mao a été capable de feindre de s'échapper, mais il l'a fait de manière publique, en diffusant sa calligraphie dans une subtile résistance à la nation. A un moment clé de la révolution culturelle, Mao ne communiquait qu'au travers de slogans calligraphiés. Pour les autres, la seule issue fut de raccrocher définitivement le pinceau. Par-delà les réformes, Deng Xiaoping a su renforcer son autorité politique à travers le pays en diffusant ses inscriptions par le canal de la télévision.

Au-delà des individus, ce qui apparaît le plus important est l'utilisation de la calligraphie dans d'innombrables petits rituels qui dépeignent l'ensemble de la bureaucratie communiste, sous l'éclat de l'autorité suprême. Au sein de l'appareil du Parti, les rituels calligraphiques sont adaptés pour servir de repères dans un système où l'autorité est ténue. Ils indiquent subtilement les parcours au sein du pouvoir en envoyant des signaux. Dans ce contexte, faire preuve de culture est à la fois une source importante de pouvoir et un signal de ses métamorphoses.

En résumé, la calligraphie est un outil de communication de masse des dirigeants vers leurs adeptes, en matière d'éducation, d'idéologie et de propagande, en reliant ainsi les nouvelles élites chinoises aux individus. A l'occasion de cérémonies, l'inscription calligraphique est un moyen d'exprimer publiquement le patronage d'un dirigeant et la loyauté de celui à qui elle est adressée.

Malgré la destruction de l'ordre social impérial, l'aspect mystique de la calligraphie perdure dans la Chine actuelle. D'hier ou d'aujourd'hui, le destin de la calligraphie est d'être la pratique artistique de l'élite.

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