dimanche 9 décembre 2007

Plus haut, plus loin (calligraphie de Hu Jintao)


Alors que l'écriture chinoise, issue de la divination, date du IIème millénaire avant notre ère, les premiers caractères apparaissent au Vème millénaire. Ainsi, c'est cette structure antique de l'écriture chinoise qui permet, encore aujourd'hui, la création de nouveaux mots.

L'histoire de la Chine se caractérise par des ruptures successives. A chacune d'elles, ce pays réexamine et réinterprète son passé tel que les écrits l'ont préservé. L'écriture chinoise est en cela une mémoire vivante dont le rôle est de livrer une émotion du passé dans le présent.
La continuité n'est pas assurée par la pérennité des objets mais se réalise par le lien social entre les générations qu'est l'écriture.

Par sa valeur d'ancienneté, l'écriture témoigne de la permanence de la culture chinoise. La calligraphie chinoise agit comme un « monument culturel » qui restitue le passé. Concrètement, les écriteaux (bian er), les sentences parallèles (yinglian), les manuscrits impériaux pérennisent davantage la mémoire qu'un monument construit.

On retrouve les mêmes idées dans certains écrits de Victor Segalen et de Roland Barthes.
Le Siège de l'âme, conte fantastique de Victor Segalen a comme origine -tel que l'explique l'auteur- « la vieille croyance chinoise dans la vertu figurative de l'écriture. Le caractère n'est pas seulement l'emblème de la chose qu'il désigne, il est cette chose elle-même. Ecrire, c'est à la fois évoquer et maintenir dans l'être l'objet de l'écriture. Supprimer le caractère, c"est attenter à l"existence. » Segalen « voit dans l"écriture une transcription spirituelle du réel ».

Roland Barthes écrit d'ailleurs : « Alors la Chine? (...) Nous laissons alors derrière nous la turbulence des symboles, nous abordons un pays très vaste, très vieux et très neuf, où la signifiance est discrète jusqu'à la rareté. (...) les signifiants sont rares. (...), l'écriture ; c'est, sans doute, le signifiant majeur ; à travers les manuscrits muraux (il y en a partout), le pinceau du graphiste anonyme (un ouvrier, un paysan), (...) ; et les calligraphies de Mao, reproduites à toutes les échelles, signent l'espace chinois (un hall d'usine, un parc, un pont) d'un grand jeté lyrique, élégant, herbeux : art admirable, présent partout, (...) ».

Du fait de cette conception particulière, les objets les plus précieux ont une parenté avec l'écriture. Aujourd'hui, la calligraphie a toujours le statut d'art suprême. Et à ce titre, le chef de l'Etat chinois se doit de pratiquer cet art. Pour exemple, la calligraphie ci-dessus a été tracée par le président Hu Jintao. La traduction de cet adage est « Plus on prend de la hauteur et plus on voit loin. »

Loin de demeurer une vue de l'esprit, l'écriture est un capital politique et social sur lequel le peuple chinois assied son identité nationale.

vendredi 7 décembre 2007

Un Observatoire de l'Occident à Fuzhou 西观


Participer au renouveau des sphères intellectuelles chinoises en perpétuant la tradition de conservation des oeuvres est l'une des motivations du professeur Kristofer Schipper, éminent sinologue et spécialiste du Taoïsme de renommée mondiale.

Dès 2003, alors en poste en Chine du Sud, j'ai eu l'occasion de le rencontrer à plusieurs reprises et de m'entretenir du développement du fonds d'ouvrages occidentaux qu'il a initié. En résumé, son projet se veut être l'équivalent d'une bibliothèque sinologique telle qu'il en existe en Occident.

Pour ce faire, il a ouvert dès octobre 2003, l'équivalent d'un "cangshulou" chinois baptisé du nom de Belvédère de l'ouest. Cet équipement pédagogique est devenue la première bibliothèque "occidentale" spécialisée en sciences humaines en Chine.

Pour la réalisation du projet, l'université de Fuzhou a donc mis à disposition un bâtiment pouvant accueillir les documents, les étudiants et les chercheurs chinois.

L'objectif premier était de pallier au déséquilibre de l'accès aux oeuvres de la civilisation mondiale dans leur langue originale. Aussi, la littérature, l'histoire, l'art et l'archéologie, la philosophie, la religion et le droit occidentaux, des traités de philosophie de la Grèce antique jusqu'aux textes majeurs contemporains constituent les domaines majeurs concernés par la politique d'acquisition. Ensuite, sont regroupés des ouvrages d'économie, anthropologie, sciences politiques et sociologie.

Cet ensemble patrimonial est composé de plusieurs fonds. Le fonds central doit hébergé quelques 100 000 ouvrages (dont environ 6000 en langue française). Le fonds taiwanais datant des années 1960 est constitué de l'apport personnel du professeur Schipper. La collection générale est constituée entre autres d'ouvrages de référence, littérature mineure, journaux ou encore de manuels.

Pour ce qui concerne plus spécifiquement les chercheurs français, une section de la bibliothèque est consacrée aux études sur l'Asie orientale et plus spécifiquement la Chine.



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