jeudi 25 septembre 2008

"Le bonheur des petits poissons" de Simon Leys

Extrait :

"Le savoir depuis le haut du pont

Samuel Butler compare la vie à un solo de violon qu'il nous faut jouer en public tout en apprenant la technique de l'instrument au fur et à mesure de l'exécution. Bonne description - et qui s'applique aussi à la mort : Edmund Knox (ancien rédacteur de Punch), agonisant d'un cancer, remarquait gentiment : «L'ennui avec ces choses-là, c'est qu'on en a si peu la pratique.»
La vie nous soumet à des tests auxquels nous devons instantanément improviser des réponses. Mais le talent de repartie n'est pas donné à tout le monde : tantôt nous répondons à côté, tantôt nous restons muets - et Valéry avait raison d'assimiler l'ensemble de la littérature à une vaste «vengeance de l'esprit de l'escalier».
Il y a longtemps, lors d'un trivial incident dont la pleine signification ne m'apparut qu'après coup, je suis resté coi - et le souvenir m'en brûle encore. C'était lors d'un symposium d'historiens, organisé par une respectable université. Un vieux professeur spécialement invité de l'étranger avait juste achevé de parler de la peinture de paysage des Song quand un jeune universitaire local s'empara de la tribune et se lança dans une dénonciation longue et passionnée de la communication de son savant aîné. Sa diatribe n'était pas bien originale - elle charriait tous les lieux communs de la vague maoïste alors à la mode."


Leys,Simon, Le bonheur des petits poissons - Lettres des antipodes, ed. JC Lattes, Paris, 2008

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